(Discours Christine LORENZINI-LE BEL, fille de Jack Le Bel – Valabre – 4/7/25)
Madame Martine Vassal Présidente du Conseil Départemental des Bouches du Rhône et de la Métropole Aix Marseille
Monsieur Jacky Gérard Président de l’Entente Valabre,
Mesdames Messieurs en vos grades et qualités,
Familles des disparus,
Mesdames Messieurs,
Nous sommes réunis aujourd’hui dans un moment d’émotion et de respect profond, pour donner à cette allée un nom chargé de sens, de mémoire et de reconnaissance.
À compter de ce jour, elle sera un hommage permanent à ces 4 hommes qui ont donné leur vie au service des autres.
Leur mission était noble : protéger des vies humaines, préserver notre environnement, affronter le feu au péril de leur existence. Ils n’étaient pas de simples pilotes, mais des héros discrets, qui avaient choisi une voie exigeante, dangereuse, mais profondément utile.
Mon père, Jack Le Bel, mon héros à moi, est né le 24 juin 1933 à Villeneuve Saint Germain dans l’Aisne. Rien ne le prédestinait à une carrière militaire et aéronautique et pourtant c’est la voie qu’il a choisie : à 16 ans, prétextant à ses parents des cours d’athlétisme, il allait en fait s’entrainer sur le petit aérodrome du coin et a obtenu son Brevet de Pilote d’avions de tourisme à 18 ans. Pour la petite histoire, il était même le plus ancien pilote de la base des bombardiers d’eau alors qu’il était mécanicien navigant !
Jack Le Bel
Suivant les traces de son frère ainé, il s’engage dans la Marine la même année, fait ses classes à Hourtin puis son cours de transformation à Rochefort et débute sa carrière de Mécanicien de Bord dans l’Aéronavale. De nombreuses affectations loin de la France, la passion toujours chevillée au corps et au cœur, puis la rencontre avec Maman à Dakar et retour sur notre sol français. Mariage en 1958, ma naissance à Ajaccio en 1960, l’Algérie, la Bretagne et enfin sa dernière affectation à Cuers en 1964 où il restera jusqu’en 1969, date de sa retraite militaire. Porte-avions, hélicoptères, différents avions, des missions exaltantes…. Bref une belle carrière aéronautique !
Et là….. il décide, à contrecœur, pour la famille, de se « poser » et d’entamer une nouvelle carrière au sol. Différents petits boulots insatisfaisants puis Sud-Aviation à Marignane comme pistard…. Avec ce qui s’appelait encore la Protection Civile en face, de l’autre côté de la route ! Et avec plein de copains de l’Aero qui démarraient la belle aventure des bombardiers d’eau sur le remplaçant du Catalina : le Canadair CL-215.
La suite, vous l’imaginez : embauché en 1970, en remplacement du Mécanicien Navigant du Pelican 22 tombé en service, (équipage MM. Carcasses/Faugeron), il entame une carrière qui, jusqu’au bout de sa vie, le fera encore vibrer et le rendra heureux !
En 1971, un accident à l’écopage en Corse : il sort de l’avion par la trappe du haut, l’équipage est secouru par un bateau de plaisanciers puis en 1973, le crash sous ses yeux en Corse du Pelican 19 (équipage MM. Mougins/Fossier) n’entameront nullement sa passion !
En 1985, souffrant du dos après des centaines d’appontages, d’écopages et autres … il décide de passer sur DC-6, avion qui vient de rejoindre la flotte de Marignane. Plus d’écopage ni d’amerrissage et surtout un nouvel avion à apprendre et à rajouter sur « sa » liste avant de raccrocher et de prendre sa retraite… Avec des projets plein la tête et l’intense satisfaction de s’être pleinement réalisé dans sa vie professionnelle.
Après le crash du DC6 Pelican 63 en 1985, j’ai essayé de le dissuader de voler sur cet appareil. Mais un peu têtu comme le breton qu’il était, il a persisté. Et le destin a parlé…
Le 19 juillet 1986, vers 6h du matin, départ en mission vers Le Perthus : c’est aussi son vol de certification en tant que mécanicien navigant sur DC-6. C’est pour ça qu’ils étaient 4 à bord, Roland Denard étant le MecNav en titre. En partant, il est passé me faire une bise… chose inhabituelle car très tôt le matin…. Ce sera la dernière fois !
Le crash se produit à 15h. Beaucoup de vent, un avion très lourd, un rabattant, pas de largage….
Ce qu’on a craint pendant des années, en comptant les avions qui partaient le matin et ceux qui rentraient le soir, en guettant le coup de téléphone, en se répétant « non, ça ne peut pas nous arriver à nous » … l’insupportable, l’inacceptable s’est produit !
4 vies perdues, 4 familles anéanties pour toujours…
Reste le souvenir d’un père, d’un mari, d’un fils, d’un frère, d’un oncle, d’un ami heureux, comblé par son métier, aimant, joyeux, plein d’humour et d’histoires à raconter, l’œil pétillant et le sourire en coin ou la mèche en bataille selon les circonstances !
Qui, de là-haut au paradis des pilotes, est très fier et reconnaissant de l’honneur qui lui est fait au travers de ce baptême, ainsi qu’à ses camarades disparus avec lui.
Que ces allées deviennent un chemin de transmission, pour que les générations futures sachent ce que valent le courage, l’engagement, le service, le sacrifice et le don de soi.
À tous ces disparus, à leur mémoire, nous disons aujourd’hui : on ne vous oublie pas ! Et je continuerai encore et toujours à guetter et contempler ces beaux oiseaux rouges et jaunes qui font tellement partie de nos vies ! Et à dire merci aux équipages et à tous les personnels qui continuent à se battre pour préserver des vies et nos forêts !
Et merci à vous toutes et tous pour votre présence aujourd’hui et votre écoute !