Entretien avec Ruben Romero Officier à l’état-major du Service Opérations de la DDIS du canton de Vaud, Responsable cantonal de la formation des sapeurs-pompiers

LL : Quel est le point de départ de cette formation

RR : Le détachement suisse faisant actuellement le FDF3 à l’ECASC est composé de divers officiers venant de cinq cantons différents ayant adhérés au concept feu de forêt Romand. Ce projet a pour objectif d’être interopérables en cas d’engagements feux de forêt, aussi bien entre cantons qu’au niveau international. Nous allons pouvoir acquérir le même matériel de lute contre les feux de forêts, des moyens d’interventions similaires et définir le même concept de formation pour les équipiers, les centres spécialisés équipés des moyens spécifiques et pour les cadres responsables de conduire de telles opérations. Nous devons absolument parler le même langage et nous préparer tous ensemble à affronter ce nouveau risque.

LL : Vous venez parce que la doctrine française vous intéresse ? Vous auriez pu allez ailleurs, pourquoi Valabre ?

RR : Le risque feux de forêt évolue sur le nord de l’Europe. Nous sommes également de plus en plus confrontés en Suisse aux feux d’espaces naturels et nous devons développer la culture feux de forêt au sein de nos cantons. Les feux massifs que nos confrères du SDIS 39 ont dû affronter en 2022 ont déclenchés une prise de conscience. Nous devons nous préparer à combattre ce risque. Nos reliefs particuliers et nos essences sont problématiques lors des engagements feux de forêts. C’est pour cette raison que nous avons choisi de reprendre les doctrines françaises et alpines. L’attaque rapide des feux naissants constitue le pilier de cette stratégie. Nos intervenants devront également être formés aux spécificités des Détachement d’Intervention Héliportés et être sensibilisés à la coordination des moyens aériens.

LL : Justement, qu’avez-vous besoin d’apprendre aujourd’hui ?

RR : L’ECASC est une référence internationale, un centre de compétence qui pourra nous sensibiliser et nous former aux risques et à la conduite spécifique des feux de forêts. Nous partons d’une page blanche et nous sommes ici pour apprendre et bénéficier de l’expérience que les sapeurs-pompiers français ont pu acquérir depuis de nombreuses années. Nous avons eu la chance d’être accompagnés depuis quelques années par divers SDIS français, les SDIS du 39, du 25, du 01, du 74 et du 83, dans le cadre des formations FDF1 et 2 (Equipier et chef d’engins) et de leur FMA FDF3 (Chef de Groupe). Ces deux semaines de formation s’intègrent dans cette démarche, des formateurs du SDIS 83 et du 39 passionnés qui partagent leurs expériences. Nos enjeux seront d’adapter la doctrine nationale à nos besoins, de former nos cadres aux spécificités de la conduite FDF et de leur transmettre cette culture.

LL : Qu’avez-vous apprécié de la formule Valabre, dans son sens large ?

RR : Les outils pédagogiques que nous utilisons à l’ECASC sont remarquables. La simulation tactique et la réalité virtuelle sont des outils immersifs qui permettent aux participants d’être préparés au plus proche de la réalité. Les simulateurs d’Hélicoptères Bombardier d’Eau, de reconnaissance et de Canadair sont également incroyables et sensibilisent les intervenants aux dangers, aux conséquences des largages et à la prise en compte des moyens aériens. Les moyens aériens appuient l’action des équipes au sol. Sans leur concours, l’objectif d’intervenir en période de risques sur les départs de feu dans les plus brefs délais ne pourrait pas être atteint dans les secteurs difficiles d’accès. Les processus de conduite sont similaires aux nôtres. Par contre les cadres d’ordre que nous utilisons pendant ces deux semaines sont une découverte très intéressante dans la gestion d’opérations liées aux éléments naturels. Nous apprenons à préparer nos effectifs et nos moyens d’intervention, à les orienter précisément avec un ordre de mouvement, à analyser une zone d’intervention afin d’avoir un raisonnement tactique approprié. Les messages en opération sont primordiaux afin que l’on puisse monter en puissance et pouvoir durer sur ce genre d’intervention. La définition des enjeux et l’anticipation sont les maîtres mots de ces semaines de formation. La deuxième semaine sera dévolue à la conduite des opérations en engageant deux GIFF complets mis à disposition par les sapeurs-pompiers du SDIS 83.

LL : Sur une échelle de 0 à 5, vous nous donnez combien ?

RR : Je vous donne même 10 ! C’est une très grande chance et une grande fierté d’être le premier détachement suisse à pouvoir bénéficier de vos infrastructures de formation et de vos connaissances. C’est également une belle aventure humaine de pouvoir partager avec des passionnés et des intervenants ayants connus et vécus le combat réel contre les feux de forêt avec parfois des conséquences dramatiques. L’humilité face à ce type d’événement devra toujours nous accompagner lors de la conduite des opérations, des valeurs essentielles transmises par nos formateurs.